Bilan de l’an II de Patrice Talon : Deux ans de dilettantisme et de promesses non tenues
Bilan de l’an II de Patrice Talon : Deux ans de dilettantisme et de promesses non tenues
Notre pays est très gravement malade et si nous n'y prenons garde, il pourrait s'effondrer sur lui-même.
Retrait de licence à Bbcom : L’Arcep dans un mauvais rôle
Le processus d’effondrement a commencé par les grèves qui durent depuis 3mois et apparemment ceux qui nous gouvernent ne semblent pas trop savoir comment s’y prendre pour arrêter le processus de décomposition de la société béninoise et de délitement de notre modèle démocratique.
Je ne veux pas me prononcer sur l’Etat de la nation même si j’ai mon idée sur la mauvaise santé de notre démocratie, de son économie et des causes de la révolte qui gronde et monte de partout et devient de plus en plus articulée .
Il y a deux ans le peuple chantait, en revenant de prendre l’argent que le camp Lionel Zinsou distribuait à la Présidence de la république”Zinsou we do zodoué/Talon we do ayi tche me“. Le Président Patrice Talon est-il sûr qu’aujourd’hui il fait encore l’objet de cette ferveur populaire? Bien décalé de la réalité que nous vivons en ces jours sombres devrait être celui répondrait ‘Oui’. Le Président Talon ne fait plus rêver personne. Par respect pour la fonction je ne dirai pas vomi de tout son peuple. Il a été un mirage qui nous a éblouis l’espace d’une campagne électorale. Maintenant le charme est rompu et le réveil est amer.
{{Les promesses du Pag et la réalité des faits
}}
Mais je ne veux pas juger de mon point de vue. Je voudrais que chacun de nous juge par lui-même, à travers les mots de l’intéressé. Deux citations illustreront mieux mon propos. Le Président Patrice Talon dit, en introduction au PAG:
“Le Programme d’actions de mon Gouvernement pour le quinquennat 2016-2021 est porteur d’espérance. Modèle de démocratie et de stabilité, le Bénin dispose des atouts nécessaires pour devenir un espace de développement durable et inclusif, de dynamisme économique et de progrès social. Ce potentiel inexploité depuis trop longtemps, ne demande qu’à être révélé. Le Programme “Bénin Révélé «agit simultanément sur les leviers institutionnels, économiques et sociaux. Il se matérialise par 45 projets-phares dans les secteurs clés de l’économie. Il sera exécuté avec l’appui de partenaires privés. Ce Programme constitue un volume d’investissement sans précédent dans l’histoire du pays et ses effets ont vocation à accroître le pouvoir d’achat, améliorer le bien-être des populations, dynamiser l’emploi et faire rayonner le Bénin à l’international”.
On retiendra un certain nombre de mots et d’expressions qu’il convient de souligner comme étant les objectifs du Président de la république .Je les reprends pour focaliser notre attention sur ces objectifs dont l’atteinte pourra permettre de décerner des satisfecit au Chef de l’Etat. Dans l’approche par compétences, nous parlons de critères de performance..Combien conviendrait-il d’attribuer au Chef de l’Etat en terme des critères de performance ? Les mots suivants “ porteur d’espérance”, modèle de “démocratie et de stabilité”,” espace de développement durable et inclusif”, “dynamisme économique”, “progrès social “,leviers institutionnels, économiques et sociaux”,” accroitre le pouvoir d’achat”,” améliorer le bien-être des populations”,” dynamiser l’emploi”.
Il y a en gros une dizaine d’objectifs que le Chef de l’Etat se proposait d’atteindre. Au jour d’aujourd’hui, deux ans après ces mots et promesses, que chacun évalue l’efficacité de son action ou son manque d’efficacité. Les jugements de valeur doivent être objectifs pour avoir quelque valeur et la note que l’on attribuera au Chef de l’Etat permettra de dire s’il est un bon capitaine qui peut mener son équipe à la victoire. A 2 points par objectif, à combien peut s’évaluer sa note au bout des 2ans au pouvoir et qu’elles sont les chances que dans 3ans il aurait atteint ses objectifs? On dit que la parole est l’homme. Cela est-il vrai de notre Président de la république?
{{Un autre texte par lequel l’électeur béninois peut encore l’évaluer est le suivant, également tiré du Pag
}}
“Notre pays va mal sur tous les plans. Cependant ,nous sommes capables de renverser cette tendance et de vaincre la fatalité. Pris individuellement, les Béninois sont remplis de talents et de dynamisme. Une équipe de dirigeants bien inspirés et compétents serait capable de mettre en oeuvre avec succès, un programme de relance rapide de notre développement dans un environnement apaisé de démocratie et de liberté“. Si l’on procède comme dans le cas du premier texte, on retiendra les mots et expressions suivants :” pays va mal”, “renverser cette tendance”, vaincre la fatalité”,” talents”, “dynamisme”,” dirigeants bien inspirés et compétents”, “mettre en oeuvre avec succès “,” programme de relance rapide de notre développement”,” environnement apaisé”, “démocratie”,” liberté”. Cela doit faire environnement 11 moyens pour atteindre les objectifs du premier texte.
Est-ce que les bons moyens ont été mis en œuvre ? L’équipe qui dirige est-elle effectivement dynamique, bien inspirée ? Quelle sont les éléments de la relance?
Le climat social qui prévaut au Bénin aujourd’hui est-il propice à cette relance? Qu’en est-il de notre démocratie et de notre liberté Le climat est-il apaisé? Loin de là avec des grèves qui durent et perdurent depuis janvier 2018 par sa propre faute et l’incapacité de son gouvernement à négocier la paix sociale.
Au total, on peut dire que le Chef de l’Etat aime vraiment se gargariser de mots ; il promet beaucoup et ne livre rien de ce qu’il promet. C’est à croire qu’il prend plaisir à ce jeu de dupes sinon, comment peut-on vouloir relancer un programme de développement économique en créant soi-même la paralysie quasi générale dans le pays? Sans rechercher le dialogue avec les acteurs ou partenaires sociaux qui seront les chevilles ouvrières de cette politique? C’est avec les hommes qu’on travaille et qu’on développe. Il y a donc des éléments essentiels d’une réflexion approfondie de l’action politique qui échappent au Chef de l’Etat, ce qui fait qu’au bout de ses 2 ans au pouvoir, ses résultats sont médiocres pour ne pas dire nuls.
{{Fronde sociale inévitable
}}
Il n’y a aucun fil conducteur de son action qui explique chaque choix qu’il fait. Personne ne peut comprendre la fermeture du parc automobile de Dantokpa qui facilitait le transport des marchandises, entrant et sortant. Personne ne peut comprendre la grande utilité du petit jardin le long des rails de Houéyiho dans la poussière et la fumée des trains et de tous les véhicules autour. Le marché de Missèbo pouvait être reconstruit et constitué un shopping Center en pleine ville comme le marché ouvert de Pennsylvanie avenue non loin de la Maison Blanche a Washington, DC.
Quelle est la logique derrière le harcèlement fiscal si l’objectif est d’oeuvrer au bien-être social des populations.?La mobilisation de l’épargne intérieure sera un échec si le Béninois moyen a du mal à vivre et si son niveau de vie réel est autour du seuil de pauvreté .Aucun développement ne peut se faire s’il n’y a pas l’épargne privée qui encourage la consommation intérieure. Si pendant que l’agent de l’Etat a du mal à joindre les deux bouts, le personnel politique s’octroie des salaires que le coût de la vie au Benin ne peut expliquer, on crée alors soi-même les conditions de la fronde sociale qui pénalise la relance économique.
L’économie est quelque chose de simple, de très simple même. Économie vient du grec “oikos” qui signifie maison. L’économie est donc la science de la gestion des ressources de la maison. Demandez aux femmes au foyer l’art de gérer les ressources de la maison pour que chacun ait sa part .L’équité qui prévaut dans le foyer doit-être également observée dans la vie publique. Or ce n’est pas ce qui s’observe sous la Rupture ou les salaires politiques font scandale.
Notre gouvernement jusque-là n’a pas fait preuve d’une grande intelligence économique. La bonne preuve est que la rumeur circule et devient insistante que l’Etat a des problèmes de trésorerie pour payer les salaires et pensions, ce qui expliquerait sa détermination suicidaire à faire des défalcations sur le peu de salaire des agents permanents de l’Etat pour fait de grève, au mépris de l’article 25 de la loi 2001-09 sur l’exercice du droit de grève au Bénin.
Cette loi a été signée par des acteurs politiques: le Président Kérékou, Bruno Amoussou en sa qualité de Ministre d’Etat chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, de Ousmane Batoko en sa qualité de Ministre de la Fonction publique donc prédécesseur de Madame Mathys Adidjatou et du Garde des Sceaux, Joseph Gnonlonfoun prédécesseur de Joseph Fifamè Djogbénou. Et Abdoulaye Bio Tchané, aujourd’hui ministre d’Etat en charge du développement et du Dialogue social était ministre des Finances dans ce gouvernement.
Chacun en ses grades et qualités est encore dans les rouages politiques à l’exception du Président Kérékou. L’État est une continuité. Ce qui avait force de loi hier ne peut cesser d’avoir force de loi parce que les acteurs ont changé. C’est également une observation de droit que Maitre Djogbénou enseigne à ses étudiants. Que notre raison ne chavire pas.
{{Le Ravip : un cheveu sur la soupe
}}
La panique de banqueroute qui s’est emparée du gouvernement et fait perdre le sourire et sa superbe à Romuald Wadagni peut aisément se comprendre et serait bien le signe patent de l’échec du gouvernement et de son manque de jugement. Quand on dépense plus qu’on ne gagne, il arrive nécessairement le moment de la rupture budgétaire. A quoi donc ont servi les campagnes de vulgarisation du Pag? On devrait nous faire le point pour nous situer sur l’utilisation rationnelle ou non des ressources financières du pays. Par ailleurs ,il serait bien utile qu’on nous informe sur le coût réel du Ravip et ce que cet exercice totalement inutile va rapporter au citoyen béninois.
Le constat que l’on peut faire à un mois de la fin du recensement est qu’il n’aura aucune fiabilité. Les conditions de sa réalisation ont été telles que la moitié de la population de nos arrondissements n’est pas sortie. Les enfants qui eux aussi devaient être recensés, ne l’ont pas été. Des gens se sont présentés avec leur carte d’électeur. Alors autant améliorer mettre la Lépi à jour au lieu de jeter l’argent par la fenêtre. La seule consolation de ce recensement qu’on peut avoir est ce que percevront les agents recenseurs. Mais pour ce qui est du Comité de Supervision personne ne sait pourquoi on devrait les payer pour ce qu’ils devraient faire par patriotisme, si un tel mot a encore un sens au Benin.
On rappellera que ce Ravip n’est mentionné nulle part dans le Pag .Cela veut dire que ce recensement n’était pas budgétisé. Alors, où est l’orthodoxie budgétaire du gouvernement de la Rupture?
Le Bénin n’a aucune politique de production des biens de consommation courante qui nous permettrait de contingenter nos importations et promouvoir nos propres exportations pour une balance de paiements soit excédentaire, soit au moins en équilibre.
Il est quand même un fait étrange sur lequel tout le monde se tait. Nous avons 3 Ministres dans le domaine de l’économie et du développement: Monsieur Abdoulaye Bio Tchané dont on ne voit pas l’impact ou la visibilité de l’action dans la politique de développement du Bénin. Monsieur Modeste Kérékou aux petites et moyennes entreprises mais dont le portefeuille est vide et Monsieur Romuald Wadagni, le jeune Ministre de l’Economie et des Finances qui est passé maitre dans l’art de pressuriser le contribuable béninois au point de générer et d’aggraver la pauvreté ambiante.
{{Dilettantisme suicidaire
}}
Lequel de ces 3 Ministres est vraiment utile dans notre modèle économique, si modèle économique il y a. Il y a un modèle économique basé sur l’économie de la demande et son contraire ou son complément , l’économie de l’offre. Laquelle est la nôtre? On a du mal à dégager une école de ce qui caractérise l’équipe gouvernementale du Président Patrice Talon.
En réalité, si cette équipe tâtonne c’est bien parce que le Chef n’est pas un stratège du développement, ayant fait l’essentiel de sa fortune dans les contrats juteux avec les gouvernements. Patrice Talon n’est pas un développeur comme Alassane Dramane Ouattara. Au moins qu’il ouvre les yeux pour apprendre avant qu’il ne soit trop tard. On lit dans le Pag au chapitre des industries de transformation et commerce, Pilier2,page 60:
“A cet effet, le Gouvernement facilitera l’installation au Bénin de grands groupes industriels désirant produire pour le marché régional”.
Monsieur Patrice Talon qui était dans les allées du pouvoir depuis la Transition manque singulièrement d’ambition pour son pays car connaissant les exigences du développement et la nécessité de limiter nos importations, il aurait pu préparer des projets d’investissements dans tous les domaines sur la base des besoins du marché béninois et aurait conçu une politique d’économie de la demande pour la production des biens de substitution qui ont fait la force de l’économie ivoirienne. Ainsi nous aurions eu un grand nombre produits “Made in Bénin” pour le marché sous régional de la Cedeao et de l’Uemoa qui ferait gagner des parts importantes du marché en attendant d’aller à la conquête des marchés extérieurs à l’Afrique.
Le 2e voyage à Paris et en Europe aurait servi à attirer et intéresser les investisseurs français, belges ,suisses et allemands, scandinaves même au marché africain qui a les multiples avantages d’une population jeune qui croît à un rythme soutenu, une main d’œuvre bon marché comme au Vietnam et dans les pays émergents d’Asie.
Au lieu de cela c’est le plus simple, la restitution des trésors royaux qui a retenu l’attention du Chef de l’Etat pour des musées qui n’existent pas encore. Si cela n’est pas du dilettantisme, on n’en est pas bien loin. Il reste à espérer que les 3 années qui viennent nous apporteront plus de raison de nous réjouir et de desserrer enfin nos ceintures. Mais on aura perdu deux bonnes années dans des débats dénués de tout intérêt.
{{ {René Ahouansou
Professeur de littérature et civilisation américaines
Ancien secrétaire général de commission de l’Unesco} }}