Bonjour Bénin 2019 :« Les étrangers ne sont en rien supérieurs aux humoristes béninois » dixit Ramanou Aledji }
PAR Charenne Sossou
Bonjour Bénin 2019
{« Les étrangers ne sont en rien supérieurs aux humoristes béninois » dixit Ramanou Aledji
}
Le festival du rire Bonjour Bénin revient cette année pour une quatrième édition et se déroulera du 28 février au 02 mars 2019. La troisième édition ayant eu lieu en 2017 bien que réussie a cependant suscité quelques critiques négatives. Pour certains, le show a véritablement été assuré par les comédiens étrangers. Les humoristes béninois n’ont quant à eux pas vraiment réussi à arracher de grands éclats de rire au public. RamanouAlédji, président du comité d’organisation du festival apporte quelques éclaircissements.
L’édition 2017 a enregistré des critiques pas vraiment positives. Certains sont allés jusqu’à dire que les humoristes béninois n’ont pas de « niveau ». Que pouvez-vous dire par rapport à cela ?
On ne peut pas se lever et dire tout bonnement que les humoristes béninois n’ont pas le niveau. En toute chose il faut contextualiser. Il y’a la barrière de la langue qu’on a évoqué la dernière fois lors de la conférence de presse. Ce n’est pas chose aisée de faire de l’humour en fon, en yoruba ou en dindi comme en français. Ceux qui disent cela c’est certainement parce qu’ils suivent l’humour étranger qui est fait en français et qui touche un public plus large et qui a des critiques pour la plupart du temps positives. Le français est parlé dans plusieurs pays en Afrique. Ne serait-ce que dans l’espace UEMOA, huit pays en tout parlent le français. La grande masse des humoristes béninois font leur prestation en langues locales pour être vraiment proches de leur public. De toutes les prestations artistiques béninoises comme étrangères que j’ai vues, je n’ai pas encore vu d’humoristes qui arrivent à la taille de Baba Yabo. Cet homme représente un immense patrimoine béninois. Vous l’écoutez trente minutes, vous rigolez trente minutes. Si cet homme avait presté en français, imaginez un peu le nombre de personnes qu’il aurait impacté. C’est pour ça qu’il faut aller à la compétition ici déjà chez nous à l’interne et c’est le vœu de Bonjour Bénin 2019. A cet effet il y’a un championnat national d’humour qui est organisé afin que le champion béninois puisse se confronter aux humoristes étrangers. On ne peut donc pas dire que les autres humours soient supérieures à l’humour béninois puisqu’il y’a la barrière de la langue qui subsiste car notre fon n’est pas vraiment francisé.
Vous avez parlé de langue. Les béninois ne prestent pas seulement pour un public fon dindi ou yoruba. Il y’a les étrangers qui y assistent. De plus si l’humoriste béninois ne s’en tient qu’à sa langue, ce sera vraiment difficile pour lui de se faire connaitre à l’extérieur. Que pouvez-vous dire par rapport à cela ?
Cette année nous avons décidé de consacrer une journée entière pour un forum sur le thème « L’état de l’humour au Bénin et en Afrique ». Cela nous permettra de réfléchir à comment exporter l’humour béninois. Si on réfléchit déjà à comment exporter l’humour béninois, c’est-à-dire que vous qui n’êtes pas béninoise déjà à l’interne vous allez vivre cela. Si l’humour béninois sort du pays pour aller au Togo ou au Sénégal quand il va vouloir exprimer son art, vous le comprendrez. C’est à ce travail que nous nous adonnons actuellement car nous avons conscience qu’i y’a vraiment un pas à franchir pour que les autres de la sous-région ouest africaine puissent nous comprendre quand nos humoristes viennent vers eux. Et Bonjour Bénin n’a jamais eu lieu sans des journées de formation et de réflexion car nous avons conscience que nous sommes en terrain totalement neutre et qu’il faut poser des bases saines d’un développement durable de l’humour. C’est à cela que nous travaillons actuellement.
Le festival est déjà à sa quatrième édition. Pourtant lorsque l’on parle de Bonjour Bénin, les gens ne savent pas vraiment de quoi il s’agit. Est-ce qu’il y’a une réelle promotion qui est faite autour de cet évènement ?
Nous avons toujours parlé côté communication. Il est vrai que les moyens mis à disposition pour communiquer véritablement autour du festival sont réduits mais je pense qu’au fil du temps, les choses vont s’améliorer. Des articles paraitront la dessus de plus, nous relayerons l’information à travers la télévision et la radio. D’ici le je pense que le festival va acquérir une certaine notoriété. Nous y travaillons.
Il faut le dire, les béninois ne s’intéressent pas vraiment à ce qui est culturel. Que ce soit la musique, le cinéma, l’art plastique, la comédie…bon nombre de disciplines peinent à prendre leur envol et de ce fait les artistes ne vivent pas vraiment de leur art. Au vu de cela, l’humour, a-t-il vraiment de l’avenir au Bénin ?
Absolument .L’humour a un avenir comme d’autres arts d’ailleurs et à plus forte raison au Bénin.il y’a un avenir certain, un avenir prometteur pour l’humour. Mais qui parle d’art, parle de marché de consommation. Au bénin l’artiste est considéré comme un rigolo qui est là pour nous égayer et donc ce n’est pas forcément quelqu’un qu’on est obligé de rétribuer. Même si on doit le rétribuer, on ne lui donne que des miettes. Bref on ne prend pas l’artiste au sérieux. Mais exercer un métier d’art c’est aussi en vivre. C’est en fait ce qui pénalise les humoristes béninois par rapport à certains humoristes étrangers. Mais il y’a eu un moment où ce marché existait et l’artiste béninois pouvait vivre de son œuvre. C’était dans la période révolutionnaire au début des années 1990. Les artistes étaient valorisés. Aujourd’hui il y’a l’aspect inexistence d’un marché d’art. Nous sommes à côté du Nigéria et il nous englobe un peu faisant en sorte que nous notre art ne sort pas rapidement de l’ornière. Et le fait que nous soyons à côté du Nigéria facilite une certaine perversion qui ne fait pas vraiment avancer le marché. Pour illustration il y’a un an GG Lapino a sorti un album et à l’heure où je vous parle, cet album est déjà piraté. Tous ces problèmes constituent un frein l’émergence de la culture au Bénin. Cependant le gouvernement actuel fait de la culture et du tourisme le socle du développement actuel de notre pays. C’est suffisamment écrit dans le Programme d’action du Gouvernement. Nous avons donc bon espoir que d’ici là les artistes que nous sommes vont commencer par véritablement vivre de leur art. Donc oui, il y’a un avenir pour l’humour au Bénin.
Que devrait donc faire le gouvernement pour une véritable émergence de l’art au Bénin ?
Le gouvernement actuel contrairement aux autres gouvernements fait quand même du développement artistique son cheval de bataille, c’est louable. Il faut quand même féliciter ce gouvernement là parce qu’on en a jamais eu. Par contre ce qu’il faut dire au gouvernement actuel c’est que la culture dans toutes ses composantes est beaucoup plus rentable que le coton. Celui qui investit dans la culture investi dans l’humain et quand l’humain va bien, il est capable de donner de meilleurs résultats. Donc si l’on investit cent milliards dans le coton il faut être capable d’en investir au moins les un cinquième dans la culture.